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CHRONIQUES D’UN PROFESSEUR DE FRANÇAIS :

Peut-on vivre sans les classes en ligne ? 

PASCAL MILARD

Professeur de français à l’Alliance Française de La Haye

Une chose est sûre c’est que dans la période de crise du coronavirus l’apprentissage à distance a permis de sauvegarder la continuité du cursus de tous les élèves et d’éviter toute forme de rupture dans leur apprentissage. Dans un cas aussi extrême, ce système aura constitué une véritable bouée de sauvetage pour l’ensemble du système éducatif scolaire et des formations pour adultes.  

À partir de cet exemple bien concret, on peut dégager très facilement un grand nombre d’avantages de cet outil contemporain qui peut se révéler indispensable dans bon nombre de situations moins critiques. Toutefois, on pourrait reprendre cette ligne de tension qui existe depuis le lancement des premiers systèmes de cours en ligne à la fin des années 90, lorsque le mot « e-Learning » apparaissait pour la première fois dans les médias. Pour ma part, en tant que professeur de « l’ancienne école », il m’était aisé d’envisager les risques concernant l’évolution d’un tel système.

Dans les premiers temps, la crainte légitime était de pressentir une évolution rapide d’un système virtuel qui remplacerait progressivement le professeur « physique ».

Dans ce sens, cela favoriserait un apprentissage en (semi) autonomie qui nous distancierait progressivement de nos apprenants. Le professeur finirait par avoir uniquement un rôle de contrôleur du suivi de l’apprentissage, de correcteur et d’examinateur mais dont le guidage ne serait plus assuré que par un ensemble de paquets de formations préprogrammées où nous n’aurions plus notre mot à dire en tant que professeur.  

Nos expériences partagées auront pu prouver que ces réticences et cette méfiance de départ étaient infondées.

Non seulement les programmes et la progression des cours sont restés la place forte des pédagogues sur le terrain mais en plus, une certitude m’est venue avec le temps, je continuerai à rester un guide connecté avec mes élèves même à distance.  

Quels sont finalement les avantages et les limites que j’ai pu dégager à ce jour d’un tel système d’apprentissage ? Il s’agit bien sûr d’une observation qui sera très vite datée, vue la progression extrêmement rapide des outils disponibles dans le monde du e-learning. C’est pourquoi j’essaierai d’avoir un point de vue le plus général possible à partir de ma vision pédagogique actuelle. 

Réglons le sort des désavantages et des limites de ce système tout d’abord. On ne peut pas nier que le contact humain en présentiel, facilite quelques aspects de l’apprentissage comme la motivation et la confiance en soi. Ces aspects-là ne sont pas si évidents à gérer lorsque l’on est face à un écran. L’ordinateur étant devenu l’outil de travail principal de la majorité de nos apprenants, celui-ci prend une place dans leur vie professionnelle qu’ils aimeraient parfois exclure de leurs loisirs ou toute autre activité. Il faut donc parvenir à créer une certaine ambiance de convivialité et une interaction dynamique qui favorise les échanges entre les participants pour tenter de casser cette barrière du virtuel. Étrangement, l’effort que fournit un élève pour parvenir jusqu’à sa classe lui permet de se mettre en situation d’apprentissage certainement plus facilement que lorsqu’il ouvre son ordinateur et se connecte directement à son cours. Il se met dans une disponibilité plus concrète et par conséquent sa motivation est plus remarquable. C’est pourquoi il est important de maintenir dès le commencement d’une classe quelques échanges informels suffisamment simples pour impliquer tout le monde de la façon la plus naturelle possible. Dans ce sens, il semble logique que les premiers cours puissent paraître assez fragiles car un temps d’expérimentation est toujours nécessaire des deux côtés de l’écran.  

Somme toute, on retiendra comme principal défaut de ce système, un côté quelque peu artificiel de la communication. Seulement, encore une fois, on ne peut que le constater en période de confinement, cet outil de communication devient progressivement la nouvelle norme, en particulier pour les générations à venir. 

Au niveau des avantages, on pourra retenir l’évidente flexibilité de cette manière de donner un cours. En fonction des besoins et de la disponibilité des apprenants, on peut beaucoup plus facilement s’adapter et mettre en place un programme modifiable à souhait, que ce soit dans le calendrier des cours ou dans le suivi modulable des niveaux. En effet, les médias que l’on peut utiliser dans un cours en ligne peuvent être directement mis en place et testés durant la classe et connaître un usage prolongé en autonomie ou bien avec le professeur pour un apprentissage s’adaptant au rythme de chaque élève. Un peu comme une thérapie ou un régime adapté à chaque patient. Par exemple, certains mémorisent mieux via leur mémoire visuelle, auditive ou kinesthésique. Il est désormais très simple de trouver des médias et outils adaptés directement pour ce type de spécificités. 

Une chose essentielle, il ne faut pas omettre que ces cours en ligne sont avant tout une « bouée de sauvetage » pour beaucoup d’apprenants qui n’ont tout simplement pas le choix et ne peuvent pas trouver le temps ou n’ont pas la capacité physique de venir en classe. Imaginez une personne travaillant pour la Croix-Rouge qui devrait se déplacer pour chaque urgence à travers le monde. Celle-ci pourrait toujours trouver un moment pour revenir à ses cours à distance, sans perdre le fil du programme. 

Les avantages sont donc multiples et les fonctionnalités n’ont de cesse de s’améliorer depuis sa création. La formation en ligne est sans aucun doute un matériel pédagogique du présent et de l’avenir pour tous les professeurs. Il faudra toujours l’envisager comme un outil, un support complémentaire à l’idée d’une classe traditionnelle mais qui ne pourra jamais remplacer le face-à-face qui reste le moyen de communication le plus humain qui soit et donc le plus vital à l’entretien de nos liens sociaux. Ce qui demeure la base même de l’usage d’une langue.  

Dans un prochain article, nous aborderons bilinguisme et éducation.

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